Découvrez dans le troisième billet de “Regards sur la biodiversité limousine” les trésors cachés de nos jardins et comment leur gestion peut favoriser la biodiversité locale.
L’importance des jardins privés pour la biodiversité
Un habitat naturel insoupçonné
Bien que peu perceptibles au premier abord, nos pelouses sont des habitats naturels pour de nombreuses espèces, végétales comme animales. Leur gestion impactent directement la biodiversité qu’elles abritent.
L’impact de la tonte sur la biodiversité
Lorsque l’on tond, c’est la diversité biologique qui en pâtit et s’appauvrit. Les végétaux sont les premiers à en être les victimes. Puis, les hérissons, lézards et oiseaux y perdent leur refuge. Par la suite, ce sont les insectes qui subissent cette gestion rase et régulière. Les mantes, phasmes ou coléoptères peuvent se retrouver au cœur des lames. De plus, les herbes et les fleurs ne sont pas seulement la nourriture des insectes et du reste de la faune, mais également leur habitat. Lors de la tonte nous détruisons les œufs (souvent microscopiques), les larves, et une partie des adultes (imagos) de l’entomofaune (insectes), nécessaires à la pollinisation, à la régulation d’autres espèces ou simplement agréables pour les yeux et la curiosité.

Dessin “Ras la tonte” de Meuhrina Jolivet – Pourquoi faut-il arrêter de tondre sa pelouse ?
Des pratiques de tonte respectueuses du vivant
Aujourd’hui, même les scientifiques conseillent de ne plus tondre à ras votre pelouse au printemps et au début de l’été pour laisser sa place à la biodiversité.
Les bénéfices d’une gestion écologique de la pelouse
Cette nouvelle conception un peu plus sauvage donnera plus de vie à votre jardin. Ainsi, retarder la fauche et éviter de faucher au printemps et au début de l’été permettra aux plantes d’aller au bout de leur cycle, de la floraison jusqu’à la graine. Vous aurez le plaisir de voir ce qui était auparavant un tapis vert s’animer de couleurs et de vie. Si vous laissez pousser votre pelouse vous pourrez peut-être y trouver du pissenlit, de la pâquerette, du trèfle blanc et rose, de la camomille, du bugle rampant, du lamié pourpre, des boutons d’or, des oxalis, du lotier corniculé, du bleuet, de l’angélique, de la carotte sauvage, des orties, de l’achillée, du pâturin des champs, de la fétuque des prés, du dactyle aggloméré, de la luzule des bois, de l’agrostide et bien d’autres. Autant de noms que de formes, d’odeurs, de goûts !
En plein centre de Limoges, on a vu des orchidées fleurir pendant les 55 jours de confinement pour le Coronavirus. On redécouvre des plantes inattendues en laissant pousser !

Plus qu’une touffe d’herbe – Creuse (23) – Illustration ©Tiphaine Laurent
Conseils pour une tonte différenciée
Selon le Muséum d’histoire naturelle, laisser pousser votre pelouse apporte aussi d’autres bienfaits à votre sol, comme celui de rendre les brins d’herbes plus vigoureux et en meilleure santé. Cela protège le sol de la chaleur, conserve la fraîcheur et l’humidité et permet à la pelouse de ne pas se dessécher, notamment durant l’été. Le sol ne craquelle pas, ne se fissure pas, conserve son eau. À l’inverse, une pelouse coupée rase sèche plus vite et jaunit en cas de sécheresse. Ainsi la hauteur de coupe influence elle aussi la santé de son gazon. Plus les herbes sont laissées hautes, plus le sol conserve de la fraîcheur, et stocke aussi du CO2. En fonction de la hauteur de la pelouse, les plantes et les fleurs des différentes strates herbacées se révèlent. Il est donc conseillé de faire une tonte par étages de végétation pour multiplier les milieux et la diversité des fleurs et des animaux. Réduire et espacer la fréquence de la tonte est aussi un levier pour préserver une grande biodiversité sur ses pelouses. Enfin, laisser quelques espaces non-tondus tout en tondant ceux nécessaires (circulations, accès,…), c’est-à-dire faire une tonte différenciée, permet de négocier avec son jardin.
En Haute-Vienne et Dordogne, le Parc Naturel Régional Périgord-Limousin milite pour des « Printemps sans tondeuses ». Il invite les habitants de son territoire à laisser pousser leur gazon au moins jusqu’au 21 juin pour préserver la biodiversité et surtout les pollinisateurs sauvages.

Jardin Val Maubrune – Creuse (23) – Photo ©Anthony Macharinow
Fiche pratique : quels outils utiliser pour une gestion respectueuse ?
Petit récapitulatif des moyens à disposition des jardiniers !
🛠️ Tondeuse thermique classique
➕ Avantages | ➖ Inconvénients |
Autonome, pas besoin de câble ni de batterie Efficace sur grandes surfaces et herbes hautes | Très bruyante Entretien moteur régulier (huile, bougie, filtre…) Pollution de l’air (émissions de CO₂ et particules fines) Pollution sonore importante Peu respectueuse de la biodiversité (tonte rase et brutale) Lourde et encombrante Peu adaptée aux petits jardins |
🛠️ Tondeuse électrique (filaire ou batterie)
➕ Avantages | ➖ Inconvénients |
Plus silencieuse que la thermique Moins polluante (pas d’émissions directes) Facile à entretenir Réduit les nuisances sonores dans les quartiers | Moins puissante sur herbe haute ou humide Autonomie limitée avec batterie Câble contraignant (modèle filaire) Moins robuste à long terme Fabrication et recyclage des batteries peu écologiques |
🛠️ Tondeuse hélicoïdale (manuelle)
➕ Avantages | ➖ Inconvénients |
Très peu de bruit, aucun carburant Légère, facile à ranger Idéale pour petits jardins (< 200 m²) Très bon bilan écologique (pas d’énergie, pas de pollution) Très peu d’impact sur les insectes et petits animaux Coupe nette, sans arracher l’herbe | Nécessite une tonte fréquente Peu efficace sur herbe haute ou dense Moins adaptée aux terrains irréguliers Travail physique plus soutenu |
🛠️ Rotofil / débroussailleuse
➕ Avantages | ➖ Inconvénients |
Utile pour les bordures, talus, zones inaccessibles Débroussailleuse efficace sur végétation dense | Très bruyant (surtout en version thermique) Pollution sonore et atmosphérique (version thermique) Risque de projection (sécurité) Non adapté pour une tonte régulière de surface Destructeur pour la biodiversité (insectes, œufs, petits animaux) |
🛠️ Faux (outil manuel traditionnel)
➕ Avantages | ➖ Inconvénients |
Aucun bruit, aucune émission Très bon pour la biodiversité (travail lent et sélectif) Respecte la faune du sol Idéale pour prairies naturelles ou fauchage raisonné Très faible impact écologique | Demande un apprentissage technique Moins rapide sur grandes surfaces Entretien de la lame régulier (affûtage) Travail physique important |
🛠️ Barre de coupe (fauchage mécanique)
➕ Avantages | ➖ Inconvénients |
Coupe linéaire, plus respectueuse de la faune qu’une lame rotative Adaptée aux prairies fleuries et à la gestion différenciée Convient aux grandes surfaces naturelles | Bruit selon le type de moteur (thermique ou électrique) Matériel coûteux et encombrant Moins pratique dans les petits espaces Consommation énergétique non négligeable (si thermique) Peut perturber la faune si utilisée sans précaution |
🛠️ Robot-tondeuse
➕ Avantages | ➖ Inconvénients |
Très silencieux Fonctionne de manière autonome Consomme peu d’énergie électrique Pratique pour un gazon toujours court | Uniformise le gazon : aucune diversité florale Destructeur pour la petite faune (hérissons, insectes…) Risque élevé pour les animaux nocturnes Nécessite un terrain dégagé (sans obstacles) Coût élevé à l’achat et en entretien Perturbation écologique (sol appauvri, disparition de micro-habitats) |
Fiche pratique : découvrez la biodiversité de votre jardin en 5 étapes
Vous êtes tenté de découvrir ou redécouvrir ce qui se cache derrière votre pelouse ? Voici un petit exercice :
- Laissez pousser les herbes jusqu’à ce que les premières fleurs apparaissent, marguerites, pissenlits et autres fleurs jaunes de la même famille.
- Faites le tour du jardin pour localiser les nouveautés. Des plantes, feuilles et concentrations différentes. Se rendre compte que quelque chose de différent se passe. Si vraiment ça vous démange, tondez une seule allée qui vous mène à l’endroit à l’endroit où vous le souhaitez (à la cabane au fond du jardin, garage, …) en prenant bien soin de ne pas passer sur quelque chose qui vous paraît nouveau ou inhabituel , pour ne pas l’empêcher d’émerger. Mais on peut encore attendre, Il n’y a pas l’obligation, il faut savoir « Laisser faire ».
- Quand les herbes sont plus hautes et qu’elles dépassent vos chevilles, refaites le tour du jardin. C’est assuré, vous verrez des choses nouvelles qui sont en train de se passer. Faîtes en un inventaire sommaire à vue (ou plus détaillé si cela vous inspire). Vous pouvez passer la tondeuse ou la faux en traçant des chemins un assez large (plus ou moins larges en fonction de la taille de votre terrain). Ils ne doivent pas passer par les lieux où vous avez des événements inhabituels et éviter les nouvelles plantes, feuilles, fleurs, etc. Les chemins tracés à ce moment devront être plus larges que la largeur finale des allées désirées.
- Attendez que la zone déjà tondue révèle une fois encore des plantes et des fleurs. Vous pouvez alors y faire une allée centrale et laisser des bandes sur les côtés. Les zones non tondues depuis le départ offrent des plantes plus hautes et une diversité végétale de plus en plus différente.
- Laissez faire le Vivant et appréciez le spectacle. Vous n’êtes désormais plus à l’abri de voir des fleurs inattendues, des abeilles, syrphes, papillons de toutes sortes, coléoptères irisés, lézards des murailles, oiseaux, etc. Dans un jardin c’est ce qu’on appelle une révolution, un changement de paradigme. D’une moquette verte et jaune, vous aurez désormais une réserve de biodiversité gratuite.

Papillon Flambé – Iphiclides podalirius butinant un trèfle des prés – Trifolium pratense. Photo ©Anthony Macharinow
Autres actions vertueuses pour la biodiversité
Enfin, il n’y a bien sûr pas que la pelouse dans un jardin. D’autres actions peuvent aussi être plus vertueuses, moins destructrices et utiles pour la biodiversité. En voici quelques-unes :
- préserver des zones d’herbes hautes et de fleurs sauvages,
- planter un arbre et /ou un arbuste à fleurs, une haie sauvage,
- laisser du bois mort au sol, ainsi que des tas de branches et de feuilles,
- préserver le sol du jardin des pesticide et pailler les zones de culture potagère,
- construire une mare naturelle, récupérer l’eau de pluie pour l’arrosage,
- composter les déchets ou plutôt les ressources vertes et organiques (feuilles, épluchures, etc.).
Un jardin sain et résilient
Otons cette idée qu’un jardin qui n’est pas tondu est sale, envahissant et délaissé. Est-ce que le laisser faire est un abandon ? Un jardin épanoui, où le vivant et la diversité s’expriment, est un lieu peuplé plein d’émotions, de beauté et de diversité. C’est aussi un jardin sain qui prend soin de ses écosystèmes et de nous, et est de fait plus résilient. C’est aussi un jardin du futur, qui est un refuge pour le vivant et fait face aux aléas climatiques à venir.
A la place de passer votre temps à tondre, regardez les fleurs, écoutez les insectes, prenez l’apéro, profitez de la fraîcheur, rêvez !
Un article écrit par le groupe Biodiversité de Transitions Limousines.
Le groupe Biodiversité de l’association Transitions Limousines s’engage activement dans la protection et la promotion de la biodiversité régionale en rendant accessible des sources d’informations factuelles et synthétiques.
Les objectifs du groupe sont multiples : mobiliser le réseau de l’association, aborder la complexité du vivant avec humilité ; et surtout proposer un point de vue systémique en permettant aux autres secteurs d’activités abordés par l’association d’y intégrer les enjeux de la biodiversité. Dans cette optique, le groupe a commencé un travail d’inventaire et d’analyse d’exemples locaux de la transformation de la biodiversité limousine, et ses effets concrets sur la population et l’économie du territoire.
Références et sources
- Muséum d’histoire naturelle : Pourquoi choisir de ne pas tondre sa pelouse
- INRAE : Jardins privés et biodiversité | INRAE
- LPO : Jardiner avec la nature et en faveur du climat – LPO (Ligue pour la Protection des Oiseaux)
- France 3 : Coronavirus : quand les orchidées sauvages poussent en plein centre de Limoges
- Le Figaro : Tonte différenciée : quels sont les avantages de cette pratique ?
- Le Bonpote : Pourquoi faut-il arrêter de tondre sa pelouse ?
- France bleu : Le PNR Périgord-Limousin incite à délaisser les tondeuses pour préserver la biodiversité – ici
- La vie partout : Le guide pour convaincre votre voisin d’arrêter de tondre ❌