Une saison sans tondeuse

Découvrez dans le troisième billet de “Regards sur la biodiversité limousine” les trésors cachés de nos jardins et comment leur gestion peut favoriser la biodiversité locale.

L’importance des jardins privés pour la biodiversité
Nos jardins sont souvent des lieux de biodiversité insoupçonnés. Ce sont des petits enclos d’une nature aménagée qui accompagnent notre maison et dont nous prenons régulièrement soin. Au-delà des plantations, les pelouses, gazons et autres espaces enherbés sont des zones particulièrement suivies. Espaces de circulation, d’ouverture, de jeux, nos pelouses sont aussi un objet de regard social, tout autant qu’un sujet philosophique. Néanmoins, nos pelouses renvoient aussi à un fort enjeu biologique et écologique.

Un habitat naturel insoupçonné

Bien que peu perceptibles au premier abord, nos pelouses sont des habitats naturels pour de nombreuses espèces, végétales comme animales. Leur gestion impactent directement la biodiversité qu’elles abritent.

Le maintien des petits habitats naturels des jardins protège la faune et la flore sauvages et participe à lutter contre les changements climatiques. L’enjeu est de taille puisqu’il y a 1 million de jardins privés en France (soit une superficie totale de 1,2 million ha) et que 58% des Français disposent d’un jardin privé (source INSEE – enquête habitat 2017).

L’impact de la tonte sur la biodiversité

Lorsque l’on tond, c’est la diversité biologique qui en pâtit et s’appauvrit. Les végétaux sont les premiers à en être les victimes. Puis, les hérissons, lézards et oiseaux y perdent leur refuge. Par la suite, ce sont les insectes qui subissent cette gestion rase et régulière. Les mantes, phasmes ou coléoptères peuvent se retrouver au cœur des lames. De plus, les herbes et les fleurs ne sont pas seulement la nourriture des insectes et du reste de la faune, mais également leur habitat. Lors de la tonte nous détruisons les œufs (souvent microscopiques), les larves, et une partie des adultes (imagos) de l’entomofaune (insectes), nécessaires à la pollinisation, à la régulation d’autres espèces ou simplement agréables pour les yeux et la curiosité.

Dessin “Ras la tonte” de Meuhrina Jolivet – Pourquoi faut-il arrêter de tondre sa pelouse ? 

Des pratiques de tonte respectueuses du vivant

Aujourd’hui, même les scientifiques conseillent de ne plus tondre à ras votre pelouse au printemps et au début de l’été pour laisser sa place à la biodiversité.

En choisissant les bonnes pratiques de jardinage respectueuses du vivant, nous participons à réduire notre impact sur l’environnement. Les techniques douces de jardinage, d’entretien et de gestion écologique limitent la libération de carbone dans l’atmosphère. Plus nous sommes nombreux à mettre en place des gestes favorables au maintien de la biodiversité, aux milieux naturels ou aux économies quotidiennes, plus nous avons d’impact pour limiter les effets des changements climatiques. Nous proposons ici des bonnes pratiques pour jardiner avec la nature, dans son jardin, sur son balcon, sa cour, sa terrasse…
[Extrait Muséum d’histoire naturelle]
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Les bénéfices d’une gestion écologique de la pelouse

Cette nouvelle conception un peu plus sauvage donnera plus de vie à votre jardin. Ainsi, retarder la fauche et éviter de faucher au printemps et au début de l’été permettra aux plantes d’aller au bout de leur cycle, de la floraison jusqu’à la graine. Vous aurez le plaisir de voir ce qui était auparavant un tapis vert s’animer de couleurs et de vie. Si vous laissez pousser votre pelouse vous pourrez peut-être y trouver du pissenlit, de la pâquerette, du trèfle blanc et rose, de la camomille, du bugle rampant, du lamié pourpre, des boutons d’or, des oxalis, du lotier corniculé, du bleuet, de l’angélique, de la carotte sauvage, des orties, de l’achillée, du pâturin des champs, de la fétuque des prés, du dactyle aggloméré, de la luzule des bois, de l’agrostide et bien d’autres. Autant de noms que de formes, d’odeurs, de goûts !

En plein centre de Limoges, on a vu des orchidées fleurir pendant les 55 jours de confinement pour le Coronavirus. On redécouvre des plantes inattendues en laissant pousser !

Plus qu’une touffe d’herbe  – Creuse (23) – Illustration ©Tiphaine Laurent

Conseils pour une tonte différenciée

Selon le Muséum d’histoire naturelle, laisser pousser votre pelouse apporte aussi d’autres bienfaits à votre sol, comme celui de rendre les brins d’herbes plus vigoureux et en meilleure santé. Cela protège le sol de la chaleur, conserve la fraîcheur et l’humidité et permet à la pelouse de ne pas se dessécher, notamment durant l’été. Le sol ne craquelle pas, ne se fissure pas, conserve son eau. À l’inverse, une pelouse coupée rase sèche plus vite et jaunit en cas de sécheresse. Ainsi la hauteur de coupe influence elle aussi la santé de son gazon. Plus les herbes sont laissées hautes, plus le sol conserve de la fraîcheur, et stocke aussi du CO2. En fonction de la hauteur de la pelouse, les plantes et les fleurs des différentes strates herbacées se révèlent. Il est donc conseillé de faire une tonte par étages de végétation pour multiplier les milieux et la diversité des fleurs et des animaux. Réduire et espacer la  fréquence de la tonte est aussi un levier pour préserver une grande biodiversité sur ses pelouses. Enfin, laisser quelques espaces non-tondus tout en tondant ceux nécessaires (circulations, accès,…), c’est-à-dire faire une tonte différenciée, permet de négocier avec son jardin.

En Haute-Vienne et Dordogne, le Parc Naturel Régional Périgord-Limousin milite pour des « Printemps sans tondeuses ». Il invite les habitants de son territoire à laisser pousser leur gazon au moins jusqu’au 21 juin pour préserver la biodiversité et surtout les pollinisateurs sauvages.

Jardin Val Maubrune – Creuse (23) – Photo ©Anthony Macharinow

Fiche pratique : quels outils utiliser pour une gestion respectueuse ?

Petit récapitulatif des moyens à disposition des jardiniers !

🛠️ Tondeuse thermique classique

➕ Avantages➖ Inconvénients
Autonome, pas besoin de câble ni de batterie
Efficace sur grandes surfaces et herbes hautes
Très bruyante
Entretien moteur régulier (huile, bougie, filtre…)
Pollution de l’air (émissions de CO₂ et particules fines)
Pollution sonore importante
Peu respectueuse de la biodiversité (tonte rase et brutale)
Lourde et encombrante
Peu adaptée aux petits jardins

🛠️ Tondeuse électrique (filaire ou batterie)

➕ Avantages➖ Inconvénients
Plus silencieuse que la thermique
Moins polluante (pas d’émissions directes)
Facile à entretenir
Réduit les nuisances sonores dans les quartiers
Moins puissante sur herbe haute ou humide
Autonomie limitée avec batterie
Câble contraignant (modèle filaire)
Moins robuste à long terme
Fabrication et recyclage des batteries peu écologiques

🛠️ Tondeuse hélicoïdale (manuelle)

➕ Avantages➖ Inconvénients
Très peu de bruit, aucun carburant
Légère, facile à ranger
Idéale pour petits jardins (< 200 m²)
Très bon bilan écologique (pas d’énergie, pas de pollution)
Très peu d’impact sur les insectes et petits animaux
Coupe nette, sans arracher l’herbe
Nécessite une tonte fréquente
Peu efficace sur herbe haute ou dense
Moins adaptée aux terrains irréguliers
Travail physique plus soutenu

🛠️ Rotofil / débroussailleuse

➕ Avantages➖ Inconvénients
Utile pour les bordures, talus, zones inaccessibles
Débroussailleuse efficace sur végétation dense
Très bruyant (surtout en version thermique)
Pollution sonore et atmosphérique (version thermique)
Risque de projection (sécurité)
Non adapté pour une tonte régulière de surface
Destructeur pour la biodiversité (insectes, œufs, petits animaux)

🛠️ Faux (outil manuel traditionnel)

➕ Avantages➖ Inconvénients
Aucun bruit, aucune émission
Très bon pour la biodiversité (travail lent et sélectif)
Respecte la faune du sol
Idéale pour prairies naturelles ou fauchage raisonné
Très faible impact écologique
Demande un apprentissage technique
Moins rapide sur grandes surfaces
Entretien de la lame régulier (affûtage)
Travail physique important

🛠️ Barre de coupe (fauchage mécanique)

➕ Avantages➖ Inconvénients
Coupe linéaire, plus respectueuse de la faune qu’une lame rotative
Adaptée aux prairies fleuries et à la gestion différenciée
Convient aux grandes surfaces naturelles
Bruit selon le type de moteur (thermique ou électrique)
Matériel coûteux et encombrant
Moins pratique dans les petits espaces
Consommation énergétique non négligeable (si thermique)
Peut perturber la faune si utilisée sans précaution

🛠️ Robot-tondeuse

➕ Avantages➖ Inconvénients
Très silencieux
Fonctionne de manière autonome
Consomme peu d’énergie électrique
Pratique pour un gazon toujours court
Uniformise le gazon : aucune diversité florale
Destructeur pour la petite faune (hérissons, insectes…)
Risque élevé pour les animaux nocturnes
Nécessite un terrain dégagé (sans obstacles)
Coût élevé à l’achat et en entretien
Perturbation écologique (sol appauvri, disparition de micro-habitats)
Fiche pratique : découvrez la biodiversité de votre jardin en 5 étapes

Vous êtes tenté de découvrir ou redécouvrir ce qui se cache derrière votre pelouse ? Voici un petit exercice :

  1. Laissez pousser les herbes jusqu’à ce que les premières fleurs apparaissent, marguerites, pissenlits et autres fleurs jaunes de la même famille.
  2. Faites le tour du jardin pour localiser les nouveautés. Des plantes, feuilles et concentrations différentes. Se rendre compte que quelque chose de différent se passe. Si vraiment ça vous démange, tondez une seule allée qui vous mène à l’endroit à l’endroit où vous le souhaitez (à la cabane au fond du jardin, garage, …) en prenant bien soin de ne pas passer sur quelque chose qui vous paraît nouveau ou inhabituel , pour ne pas l’empêcher d’émerger. Mais on peut encore attendre, Il n’y a pas l’obligation, il faut savoir « Laisser faire ».
  3. Quand les herbes sont plus hautes et qu’elles dépassent vos chevilles, refaites le tour du jardin. C’est assuré, vous verrez des choses nouvelles qui sont en train de se passer. Faîtes en un inventaire sommaire à vue (ou plus détaillé si cela vous inspire). Vous pouvez passer la tondeuse ou la faux en traçant des chemins un assez large (plus ou moins larges en fonction de la taille de votre terrain). Ils ne doivent pas passer par les lieux où vous avez des événements inhabituels et éviter les nouvelles plantes, feuilles, fleurs, etc. Les chemins tracés à ce moment devront être plus larges que la largeur finale des allées désirées.
  4. Attendez que la zone déjà tondue révèle une fois encore des plantes et des fleurs. Vous pouvez alors y faire une allée centrale et laisser des bandes sur les côtés. Les zones non tondues depuis le départ offrent des plantes plus hautes et une diversité végétale de plus en plus différente.
  5. Laissez faire le Vivant et appréciez le spectacle. Vous n’êtes désormais plus à l’abri de voir des fleurs inattendues, des abeilles, syrphes, papillons de toutes sortes, coléoptères irisés, lézards des murailles, oiseaux, etc. Dans un jardin c’est ce qu’on appelle une révolution, un changement de paradigme. D’une moquette verte et jaune, vous aurez désormais une réserve de biodiversité gratuite.

Papillon Flambé – Iphiclides podalirius butinant un trèfle des prés – Trifolium pratense. Photo ©Anthony Macharinow

Autres actions vertueuses pour la biodiversité

Enfin, il n’y a bien sûr pas que la pelouse dans un jardin. D’autres actions peuvent aussi être plus vertueuses, moins destructrices et utiles pour la biodiversité. En voici quelques-unes :

  • préserver des zones d’herbes hautes et de fleurs sauvages,
  • planter un arbre et /ou un arbuste à fleurs, une haie sauvage,
  • laisser du bois mort au sol, ainsi que des tas de branches et de feuilles,
  • préserver le sol du jardin des pesticide et pailler les zones de culture potagère,
  • construire une mare naturelle, récupérer l’eau de pluie pour l’arrosage,
  • composter les déchets ou plutôt les ressources vertes et organiques (feuilles, épluchures, etc.).
Un jardin sain et résilient

Otons cette idée qu’un jardin qui  n’est pas tondu est sale, envahissant et délaissé. Est-ce que le laisser faire est un abandon ? Un jardin épanoui, où le vivant et la diversité s’expriment, est un lieu peuplé plein d’émotions, de beauté et de diversité. C’est aussi un jardin sain qui prend soin de ses écosystèmes et de nous, et est de fait plus résilient. C’est aussi un jardin du futur, qui est un refuge pour le vivant et fait face aux aléas climatiques à venir.

A la place de passer votre temps à tondre, regardez les fleurs, écoutez les insectes, prenez l’apéro, profitez de la fraîcheur, rêvez !


Un article écrit par le groupe Biodiversité de Transitions Limousines.

Le groupe Biodiversité de l’association Transitions Limousines s’engage activement dans la protection et la promotion de la biodiversité régionale en rendant accessible des sources d’informations factuelles et synthétiques.

Les objectifs du groupe sont multiples : mobiliser le réseau de l’association, aborder la complexité du vivant avec humilité ; et surtout proposer un point de vue systémique en permettant aux autres secteurs d’activités abordés par l’association d’y intégrer les enjeux de la biodiversité. Dans cette optique, le groupe a commencé un travail d’inventaire et d’analyse d’exemples locaux de la transformation de la biodiversité limousine, et ses effets concrets sur la population et l’économie du territoire.


Références et sources

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