Dossier technique « Simulations du climat du Limousin » – Article principal

Quelles seront les conditions de température et de sécheresse à la fin du siècle en Limousin ? Les modèles de simulation climatique permettent de projeter pour notre territoire les indicateurs climatiques de référence et d’appréhender ainsi le « nouveau régime climatique (1) » en pleine dérive dans lequel nous sommes plongés et l’ampleur des défis auxquels nous sommes confrontés. Il s’agit, pour y faire face, de mener de front les travaux sur l’atténuation du changement climatique et sur l’adaptation à ses effets inévitables. Les auteurs décrivent et proposent de rejoindre l’initiative collaborative Transitions Limousines. Celle-ci vise à étudier méthodiquement chaque secteur d’activité pour en dresser d’abord un diagnostic, puis d’en élaborer un plan de transformation 2025-2050 permettant d’être indépendant des énergies fossiles, résilient face aux crises climatiques et aux problèmes d’approvisionnement en ressources, et préservant le vivant.

Note (1) : le terme est de Bruno Latour, voir par exemple ici.


Cet article fait partie du dossier « Simulations du climat du Limousin », composé de :

  • L’étude complète (100+ cartes et graphiques) : lien
  • L’article principal (~10min de lecture) : lien
  • L’article de vulgarisation (~2min de lecture) : lien
  • La notice méthodologique et le lexique : lien

Introduction

Le changement climatique s’impose de façon de plus en plus perceptible au quotidien (vagues de chaleur, sécheresse de plus en plus installée, incendies dans les massifs forestiers, érosion côtière), ainsi qu’établi par la science depuis plusieurs décennies. Tous les secteurs, toutes les activités sont et vont être de plus en plus impactées et il n’est plus question d’y échapper.

Le sujet se déploie donc progressivement dans l’espace médiatique (notons par exemple l’évolution récente du bulletin météo de France Télévisions en un Journal Météo Climat). Si des exemples locaux comme ceux cités ci-dessus sont parfois relatés, les projections climatiques et les impacts systémiques associés sont généralement présentés à des échelles lointaines (monde, France entière). Nous avons donc cherché en réalisant ce dossier à faire un zoom sur le Limousin, en mettant pour cela à profit les simulations scientifiques de référence du projet DRIAS-2020 mises en œuvre par Météo-France, CERFACS et IPSL (voir l’article notice méthodologique pour plus de détails sur l’approche mise en œuvre).

Les indicateurs suivants font l’objet de graphiques et cartes dans ce dossier :

  • Nombre de jours de gel
  • Nombre de jours de sol sec (SWI < 0,4)
  • Nombre de jours où l’Indice Forêt Météo est >20
  • Sommes de température d’avril à octobre, et d’octobre à juillet
  • Dates de premières et dernières gelées
  • Débits des principaux cours d’eau
  • Températures maximales, moyennes, minimales quotidiennes
  • Extrême-chauds des températures
  • Cumul des précipitations
  • Cumul de l’évapotranspiration réelle
  • Cumul de pluie efficace

D’autres indicateurs sont disponibles (voir dépôt public des fichiers de données) mais ne sont pas inclus à ce stade. Cela pourra être amené à évoluer dans une version enrichie du dossier.

Description des cartes et grandes tendances

En utilisant les résultats des modèles de simulation de référence de ces grands centres de recherche scientifique et en cherchant à les rendre lisibles et accessibles, nous avons établi des cartes d’évolution d’ici à la fin du siècle de plusieurs indicateurs atmosphériques et hydrologiques pour le Limousin. Ces indicateurs sont présentés pour deux scénarios de référence :

  • RCP4.5, soit une trajectoire de stabilisation relative des émissions à court terme suivi d’une diminution, aux impacts massifs, sur laquelle les engagements pris à ce jour par les États, et qui ne sont pour l’instant pas en voie d’être respectés, ne nous placent pas encore ;
  • RCP8.5, soit une trajectoire sans réduction particulière des émissions, scénario le plus pessimiste et aux impacts insoutenables ;

et deux horizons de temps :

  • H2, soit 2041-2070 ;
  • H3, soit 2071-2100.

(voir l’article notice méthodologique pour plus de détails sur l’approche mise en œuvre).

Pour illustrer cela, il est possible de s’appuyer sur un tableau issu de la dernière synthèse du GIEC (AR6 Synthesis Report p10) :

Ces éléments permettent de saisir que les choix des scénarios étudiés par Transitions Limousines sont un bon compromis entre un effort modéré mais insuffisant d’atténuation (qui n’est pas engagé à ce jour au regard des trajectoires observées et mises à jour annuellement) et une absence de volonté de réduction de nos émissions.

Les 117 cartes et graphiques représentant les indicateurs sont réunies dans un document en libre téléchargement :

Simulations du climat du Li… by Transitions Limousines

Nous en présentons quelques-unes directement dans cet article à titre d’illustration, mais invitons le lecteur à se plonger dans le document pour une vision plus complète.

Le but de ce travail est d’établir une base de connaissances sur les projections climatiques pour le Limousin, et de la mettre à disposition des professionnels de tous horizons, des pouvoirs publics et des médias locaux. Dans ce cadre, nous ne proposons pas ici d’analyse détaillée de chaque indicateur et des impacts associés pour chaque secteur économique – ce serait un travail passionnant et utile, mais qui reste à faire. Transitions Limousines en prendra sa part, dans le cadre du Plan de Transformation de l’Économie du Limousin 2025-2050 qu’elle pilote.

Nous dégageons ici, pour illustrer le propos, quelques grandes tendances marquantes :

Indicateurs de température

Note : dans le graphique ci-dessus, le nombre de jours anormalement chauds est le nombre de jours où la maximale quotidienne est supérieure de plus de 5°C à la maximale quotidienne de ce jour sur la période de référence 1976-2005.

Commentaires généraux :

  • Augmentation globale des températures (minimales, moyennes, maximales quotidiennes) à toutes les saisons
  • Augmentation importante du nombre de jours anormalement chauds et de vagues de chaleur
  • Diminution importante du nombre de jours de gel,

Indicateurs de sécheresse

Note : le graphique ci-dessous présente l’indicateur d’humidité des sols SWI, pour une définition voir Météo France ici.

Commentaires généraux :

  • Augmentation importante du nombre de jours avec un sol sec (SWI < 0.4)
  • Augmentation du nombre de jours où l’Indice Forêt Météo > 20
  • Augmentation des précipitations en hiver, baisse au printemps-été

Indicateurs de débit des cours d’eau

Note : les graphiques ci-dessous sont présentés pour chaque mois de l’année en écart par rapport au même mois en moyenne sur la période de référence (1976-2005), sur une échelle de +25% à -100%. Le cercle vert épais représente le niveau de la période de référence.

On note une forte diminution des débits de mai à décembre, pour tous les grands cours d’eau, qui culmine à la fin de l’été.

« Les années les plus chaudes que nous avons vécues jusqu’à présent seront parmi les plus fraîches d’ici une génération »

Friederike Otto, climatologue, membre du GIEC

L’analyse des impacts de ces évolutions est un travail complexe, à réaliser à la fois secteur par secteur et avec un regard systémique. On peut cependant là aussi donner des exemples de tendances de fond :

  • Modification des cycles végétatifs, difficulté d’adaptation voire inadaptation de certaines espèces végétales (ex. : remise en cause de la pertinence de certaines cultures, disparition progressive de certaines essences forestières comme le hêtre), impactant fortement le secteur agricole, les filières bois et la biomasse ;
  • Diminution des débits des cours d’eau impactant les activités industrielles (ex. industrie papetière), la production hydro-électrique, le secteur des loisirs nautiques, l’alimentation en eau potable dans certaines zones ;
  • Impacts sur le bâti avec l’intensification du phénomène de retrait-gonflement des argiles, et sur les équipements (ex. déformations et usures du fait des fortes chaleurs, e.g. rails, bitume, pneus, joints).

Ce sont des exemples d’impacts locaux et directs de l’évolution du climat. Il faut considérer parallèlement les facteurs macroscopiques venant également impacter fortement les activités économiques : raréfaction et hausse du coût de l’énergie (en particulier l’énergie facilement transportable comme le carburant liquide), et en corollaire raréfaction et hausse du coût des matériaux et équipements dont les intrants, la fabrication et le transport sont intenses en énergie et en eau.

Il ne faut également pas oublier que les impacts ne se limitent pas à nos frontières et que nous dépendons d’une économie mondialisée. À périphérie immédiate, nos régions voisines seront touchées limitant nos apports dans quelques denrées que nous ne produisons pas localement en quantité suffisante (fruit d’été, céréales ou légumes). Par exemple, la production de légumes en Limousin ne couvre que 14% de la consommation de ses habitants (cf. détail pour la Corrèze, la Creuse, la Haute-Vienne).
Dans le même temps, nous dépendons des flux maritimes pour nos approvisionnements en matière première (pétrole, acier, aluminium, cuivre, bois, coton, polyester). La hausse du niveau des océans viendra impacter le commerce maritime – qui représente 80% du commerce mondial – en modifiant ou supprimant la capacité d’accueil de certains ports français.

À cela s’ajoutera, au niveau planétaire, des arrêts de production ou des volumes plus faible pour toutes les ressources extérieures à la France . Le coton et le polyester pour nos industries textiles ; les produits de traitement pour l’industrie papetière ; les plastiques, les polymères et le caoutchouc pour nos industries automobiles ou de menuiseries ; le café, le chocolat ou les épices pour nos industries alimentaires et nos artisans.
Il ne s’agit pas d’être exhaustif mais de garder à l’esprit que de nombreux bouleversements sont présentement à anticiper pour notre économie locale sans que nous ayons de prise politique ou économique dessus.

« Éviter l’ingérable et gérer l’inévitable »

Nous vivons déjà le changement climatique : c’est la physique de l’atmosphère et de l’océan, elle est intraitable. Sa magnitude peut être cependant infléchie dans un sens ou dans l’autre. Chaque dixième de degré de réchauffement, chaque incrément de concentration de CO2 dans l’atmosphère se répercute fortement sur les écosystèmes et se traduit en pertes et dommages pour les sociétés humaines. Il est donc crucial de dépasser les questions simplistes type « peut-on y arriver ou non ? », « est-il trop tard ? ».

Il s’agit de structurer tant la réflexion que l’action sur 2 axes complémentaires : ATTÉNUER et ADAPTER. Il s’agit, selon l’expression désormais consacrée, de :

  1. éviter l’ingérable : des niveaux de réchauffement extrêmes, si rien n’est fait ;
  2. gérer l’inévitable : le changement climatique en cours est inévitable, il faut en gérer les effets.

Pour illustrer cela, il est possible de s’appuyer sur le rapport de synthèse du GIEC publié en mars 2023. Ces travaux témoignent que les marges de manœuvre tendent à se réduire pour chaque incrément de réchauffement et que les nouvelles évaluations sont toutes plus pessimistes (AR6 Synthesis Report Figure 4, p.18) comparativement au précédent rapport AR5 de 2014.

Pour des développements sur ces questions, nous renvoyons aux travaux du GIEC résumés dans le rapport de synthèse publié en mars 2023.

L’ensemble de ces données donnent l’impression d’une forme de continuité dans les changements à venir avec des adaptations proportionnelles aux aléas extérieurs. Cependant cela occulte le caractère soudain de ces aléas qui peuvent déstabiliser grandement l’équilibre sociétal. Un ensemble d’épiphénomènes peut occasionner de fortes conséquences dans un contexte contraint : une sécheresse structurelle associée à un gel printanier, une pluie intense en début d’été puis une canicule très forte occasionneront par exemple des dégâts agricoles sur une large variété d’espèces.

Perspectives

Ce dossier présente des projections à partir de modèles de simulation de référence, et les met à disposition pour en permettre l’analyse, la vulgarisation, et offrir une base objective de réflexion pour imaginer les approches d’atténuation et d’adaptation adaptées et pertinentes pour notre territoire.

Transitions Limousines propose à toutes les parties intéressées de travailler avec méthode pour comprendre les vulnérabilités, les forces et les enjeux secteur par secteur, thème par thème dans notre région – préalable à l’élaboration des plans de transformation sectoriels. Ce travail est conduit non de manière idéologique, militante ou partisane, mais de manière rigoureuse avec les professionnels de chaque secteur, en cherchant les liens systémiques entre les secteurs, en enrichissant au fil des retours, des critiques, des questions et des contributions.

Télécharger les cartes et les données

Les cartes et graphiques élaborés dans le cadre de ce dossier, ainsi que les données brutes utilisées, sont mises à disposition via les liens de téléchargement suivants :

Annexe

Voir l’article notice méthodologique pour plus de détails sur l’approche mise en œuvre.


Cet article présente la méthodologie mise en œuvre, ainsi qu’un lexique de quelques termes utiles. Il fait partie du dossier « Simulations du climat du Limousin », composé de :

  • L’étude complète (100+ cartes et graphiques) : lien
  • L’article principal (~10min de lecture) : lien
  • L’article de vulgarisation (~2min de lecture) : lien
  • La notice méthodologique et le lexique : lien

Pour contacter les auteurs, proposer une correction / contribution, demander une présentation au sein de votre organisation, solliciter des données plus fines : contact@transitions-limousines.org.

Pour citer ce travail, merci d’indiquer la mention suivante : Dossier technique « Simulations du climat du Limousin à horizon milieu et fin de siècle » publié au printemps 2023 par Transitions Limousines ».

Pour adhérer ou soutenir le travail de Transitions Limousines, rendez-vous sur :

1 réflexion sur “Dossier technique « Simulations du climat du Limousin » – Article principal”

  1. DOULS Jean-Marc

    Sur de nombreuses diapos (par exemple n°50) : l’échelle de l’indicateur est discontinue, peut-être parce que les valeurs manquantes ne concernent aucune maille ? A mes yeux cela rend l’interprétation des cartes un peu plus délicate. Avis personnel 😉
    Chapitre « éviter l’ingérable et gérer l’inévitable » : dans le dernier paragraphe, quelques exemples supplémentaires me sembleraient bienvenus, illustrant le fait que l’ensemble des acteurs est concerné. Par ailleurs j’ai repéré une faute : « équilibre sociétal » (sans « e »).
    Bravo pour ce travail !!!

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