Le logement constitue une base de nos conditions matérielles d’existence. En lien direct avec l’organisation de nos sociétés, il est une composante à la fois de la structuration spatiale et de l’histoire de nos territoires.
En Limousin, près des deux-tiers des logements ont été construits avant 1974, date de la première réglementation thermique. Dès la Libération, la demande de logements explose dans les villes. Les années 1950 voient l’essor des « Castors », coopératives de construction de maisons familiales avec jardins : par exemple la Cité Bellevue à Tulle et les Baticoop sur la butte du Vigenal, à Limoges1. Puis c’est le développement de grands ensembles, des années 1960 à 1980, avec de nouveaux quartiers d’immeubles de grande hauteur : à Limoges par exemple, avec Le Sablard, La Bastide, le Val de l’Aurence, Beaubreuil… pour n’en citer que quelques uns2. Ensuite, ce sera le mitage des campagnes par les lotissements périurbains et l’intensification de l’usage de la voiture…
Le logement est un secteur exposé face à l’évolution du climat, à l’augmentation des prix et à la raréfaction de l’énergie avec un impact important au moment de la construction. Les paragraphes qui suivent se concentreront sur les usages du logement ; les autres impacts important de ce secteur (l’empreinte carbone à la construction et la consommation d’espace au détriment d’autres usages, particulièrement ceux pour se nourrir) pourront être abordés plus en détail dans les travaux ultérieurs de Transitions Limousines.
Notons cependant que durant les 10 dernières années, en Limousin, les 3/4 de l’artificialisation des terres sont liés à l’habitat. La contribution du secteur du logement à la décarbonation de l’économie est un enjeu essentiel pour atteindre l’objectif national de neutralité carbone à l’horizon 2050 mais « tous les scénarios qui nous amènent à la neutralité carbone comptent sur le fait de moins construire. Il y a une croissance démographique, mais elle est très légère. La «décohabitation», cette logique qui fait que nous sommes de moins en moins nombreux par logement, va sans doute atteindre ses limites. En outre, toute une partie de la construction actuelle n’est pas adaptée à la demande. Par exemple, de petits logements conçus comme des produits de défiscalisation, et qui ne sont pas recherchés par les familles. Une manière de construire moins consistera surtout à mieux mobiliser l’existant.3»
Premiers éléments sur le logement en Limousin
Le logement représente aujourd’hui en France un dixième des émissions de gaz à effet de serre (GES), en très grande majorité liées au chauffage et aux consommations d’eau chaude sanitaire. En Limousin, ces émissions présentent des pourcentages différents en fonction de la ruralité des territoires, la Haute-Vienne présentant le taux le plus haut par logement (1,9 T CO2e / logement). Cette différence s’explique en grande partie avec l’usage du bois pour se chauffer, plus important dans les territoires ruraux, et à l’habitude de ne pas chauffer toutes les pièces dans un logement ancien.
Particularités démographiques et du logement en Limousin
12% des habitants de Nouvelle Aquitaine sont des Limousins (730 000 habitants sur plus de 6 millions) mais le taux de croissance annuel de la population limousine est négatif (entre 2015 et 2021). En outre la population est vieillissante : les 60 ans ou plus représentent 40,1% des Creusois, 36,4% des Corréziens et 32,8% des Haut-Viennois.
Les résidences principales Limousines sont dans la très grande majorité des maisons individuelles.
Les logements sont souvent plus anciens, particulièrement pour la Creuse où 34% du parc immobilier est antérieur à 1919 (15% pour la Corrèze et la Haute-Vienne vs 12,5% pour la France). Le Limousin comporte peu de copropriétés4, moins de 0,5% du territoire national ; elles représentent 10% du parc, loin des 28% du niveau national.
Les Limousins sont par ailleurs plus souvent propriétaires de leur logement que la moyenne nationale : 72,6% en Creuse, 68,4% en Corrèze et 62,2% en Haute-Vienne contre 57,6% sur le territoire national. Les locataires y sont moins nombreux, y compris dans le logement social, sauf pour la Haute-Vienne.
Notons enfin que sur les trois départements, le taux de vacance5 est supérieur à la moyenne nationale (8,10%) et que le nombre de résidences secondaires est également plus important, sauf pour la Haute-Vienne (19,9% pour la Creuse, 15,2% pour la Corrèze vs 9,8% sur le territoire national et 7,8% en Haute-Vienne.)
Des logements peu performants en matière énergétique et une chaleur encore très carbonée
Le nombre de passoires thermiques (logements classés F et G) est supérieur à la moyenne nationale (18% des logements6).
Cet écart peut être en partie expliqué par le nombre de logements vacants et de résidences secondaires, tous deux moins performants en matière énergétique que les résidences principales, ainsi que par un parc en moyenne plus ancien. On note par ailleurs la meilleure performance des logements sociaux7 avec 90% des logements sociaux entre A et C en Creuse, 80% en Haute-Vienne et 67% en Corrèze.
Les énergies fossiles (gaz et fioul) restent largement utilisées pour se chauffer par les ménages pour leur résidence principale, bien que l’on constate une montée en puissance du chauffage au bois et de l’électricité en fonction de la date d’achèvement des logements.
La précarité énergétique est nettement plus marquée sur le Limousin qu’au niveau national où elle se situe à 12% des ménages.
Les rénovations enclenchées par les ménages se font principalement « élément par élément » sans approche globale qui impliquerait une ingénierie technique et financière poussée. Le top 3 des travaux subventionnés en Nouvelle Aquitaine8 sont le chauffage au bois (35,7%), les pompes à chaleur (22,8%) et les chauffe-eau solaires (8,5%). En 2022 les travaux financés par MaPrimeRénov correspondaient à un poste pour 82,6%, à 2 postes pour 12,6% et 3 postes ou plus pour seulement 4,8%.
Quel avenir pour 2050 ?
Ce constat démontre la nécessité d’un véritable programme de rénovation énergétique des logements accompagné par une ingénierie et par une prise en compte des usages et de leur évolution (sociologiques, économiques, individuelles …etc.). La nouvelle réforme de MaPrimeRénov en 2024 devrait permettre de réorienter les travaux vers une meilleure performance énergétique des logements. L’habitat est à la fois un des socles de la vie des individus et un poste d’investissement majeur pour les ménages. La transformation des usages doit non seulement permettre la décarbonation de nos habitats mais aussi les rendre adaptés face aux événements climatiques extrêmes à venir : canicules, vagues de chaleur… Ainsi que l’a détaillé le dossier technique «Simulations du climat du Limousin» publié par l’association en juin 2023, notre territoire sera de plus en plus exposé à ce genre d’évènements.
Par ailleurs, avec 18 483 emplois en Limousin le secteur de la construction pèse pour 6,3% des emplois du Limousin dont 30% sont des non-salariés. La chute de la construction neuve de logements et sa conséquence en terme d’emplois pourraient être compensées par une réorientation et une montée en compétences des acteurs dans la rénovation énergétique.
Au regard des revenus d’une partie de la population Limousine (les Creusois et les Haut-Viennois présentant un taux de pauvreté supérieur au niveau national9), des statuts d’occupation des logements et de l’âge de nombreux propriétaires occupants, seule une ingénierie financière adaptée permettra l’atteinte des objectifs de neutralité carbone liés au logement en 2030 et 2050.
Un article écrit par Laurent, complété par Michel, mis en image par Laurent et Lucile
- Maurice Lasnier, 2 siècles de solidarités en Limousin et au-delà, éd. Mon Limousin, 2021, p.88 ↩︎
- Architecture et Urbanisme à Limoges, coll. Pages d’Archives, Archives municipales de Limoges, 2005, p.76 ↩︎
- Philippe Bihouix, La Ville Stationnaire. Comment mettre fin à l’étalement urbain? (Actes Sud, 2022) ↩︎
- Observatoire des copropriétés 2023 ↩︎
- INSEE 2019 ↩︎
- Ministère de la transition énergétique ↩︎
- UM NA 2021 ↩︎
- CERC-NA 2023 ↩︎
- INSEE 2020 : 18.3% en Creuse et 15.3% en Haute-Vienne vs 14.4% ↩︎